D’après le géographe et philosophe américain Yi Fu Tuan, le paysage n’est rien d’autre que l’irruption du temps dans l’espace. La temporalité du paysage est à la fois momentanée – l’instant pendant lequel nous sommes frappés par un paysage – et discursive.
Pour mieux le formuler : les paysages n’existent que dans et à travers leur non-identité ou mutation permanente. Vouloir arrêter un beau paysage, vouloir le sauvegarder en tant que tel est une illusion, et même une illusion dangereuse. Seule une société à l’enseigne de la rigidité extrême et des hiérarchies pérennes a pu créer des « espaces verts » en tant que miroir de l’abolition du temps (il faut le souligner aujourd’hui, dans cette année Le Nôtre, et malgré le génie du grand jardinier que nous admirons tous). Heureusement, il y aura toujours quelque chose qui échappera au contrôle total exercé au nom d’un paysage idéal ou au nom de la Nature, comprise comme une entité immuable.
Nous travaillons et nous agissons dans le temps, et c’est également dans le temps, par exemple à travers les saisons, que l’ensemble de nos territoires évolue. Les problèmes posés par ce que l’on appelle couramment « la Nature en ville » renvoient tous à la nécessité de ne jamais oublier la temporalité d’un projet paysager. Les nouveaux jardins potagers en ville, de plus en plus fréquents, ne se limitent pas à introduire une altérité pittoresque dans le tissu urbain ; ils indiquent aussi le temps humain, celui des petits gestes et de la réappropriation des métiers de la terre par les citadins ; à côté de l’éternité simulée par les supermarchés (qui vivent hors saisons), voilà des espaces qui nous rappellent de manière immédiate et tangible la vie de la Nature. La renaturation ou la création de trames vertes – un véritable leitmotiv quant aux aménagements actuels – ne se limitent pas, elles non plus, à la création d’une simple continuité spatiale. Afin qu’elles réussissent, elles doivent être ouvertes à la fois vers le passé (en portant à la surface un nant oublié, en construisant des passages, etc.) et vers le futur (en anticipant le développement des interventions sur le long terme). Même un élément en apparence autosuffisant comme le fleurissement ne peut plus être pensé en partant de la logique de la belle carte postale. Il doit, de nos jours, être dynamique, et même préparer le terrain de ce qui adviendra après sa disparition. On comprend dès lors l’extrême difficulté de la profession de paysagiste, mais aussi la grande responsabilité qui incombe à cette figure centrale de notre civilisation plurielle et complexe. Les projets réunis dans cette revue montrent, en tout cas, que nous sommes sur la bonne voie…
Michael Jakob, professeur en architecture du paysage à hepia – Genève
Au sommaire de ce numéro :
Diffusé largement à l’ensemble des acteurs de l’aménagement, ce magazine retrace chaque année l’actualité du paysage dans le département de la Haute-Savoie. Les thématiques du paysage et de l’aménagement du cadre de vie sont abordées à des échelles variées en s’intéressant à toute la diversité des territoires haut-savoyards. La revue décline un ensemble de rubriques au contenu renouvelé : focus sur un site particulier, dossier thématique, actualité du paysage des collectivités, actualité littéraire…
Responsable de la publication : Arnaud Dutheil, directeur du CAUE
Rédacteur en chef : Frédérique Imbs, journaliste
Coordination éditoriale : Antoine Deneuville, conseiller paysage, CAUE
Gratuit
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novembre 2013
27 p - ill. couleur 21 x 27,5 cm
gratuit (+frais de port et de gestion)