« J’ai un souvenir ancré dans ma mémoire : celui d’étés passés aux Houches et à Chamonix chez mes grands-parents, au cours des années 1970. Les glaciers alpins avaient alors fière allure et affichaient leur bonne santé. Dès 1983, nous les avons vus fondre, se rétrécir, reculer et cette dynamique négative s’est ensuite accélérée pendant toute la décennie 1990, avec une nette détérioration depuis les années 2000.
Depuis trente ans, le retrait glaciaire se fait à marche forcée. Sur ce très court laps de temps, la Mer de Glace s’est retirée de 650 mètres, le glacier d’Argentière de 700 mètres, et celui des Bossons de… 1 050 mètres ! Nous sommes pris de vitesse.
Sur la seule décennie écoulée, les glaciers alpins ont fondu quatre fois plus vite que la moyenne de leurs homologues du globe.
Selon une étude du CNRS de Grenoble, la fonte des glaciers a été sous-estimée. Le manque de neige et les fortes chaleurs estivales aggravent la situation chaque année. Les glaciologues estiment qu’une augmentation de 2°C à 3°C de la température moyenne annuelle, d’ici la fin du XXIe siècle, entraînerait une diminution de la surface englacée des Alpes de 80 %. Et si la hausse atteint 5°C, seuls les plus grands glaciers prenant naissance au-dessus de 4 000 mètres d’altitude subsisteraient (Mont-Blanc, Mont Rose). La plupart des autres pourraient avoir complètement disparu d’ici 100 ans…
Le secrétaire général de l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM), Petteri Taalas, a exprimé son pessimisme sur l’évolution de la situation : « Sans réduction rapide du CO2 et d’autres gaz à effet de serre, le changement climatique aura des impacts de plus en plus destructeurs et irréversibles sur la vie sur Terre. La fenêtre d’opportunité pour l’action est presque fermée ». Et d’ajouter : « La dernière fois que la Terre a connu une concentration comparable de CO2, c’était il y a 5 millions d’années… lorsque la température était de 2 à 3°C plus élevée. »
Sylvain Coutterand, Glaciologue, membre associé au laboratoire EDYTEM, CNRS